Le 9 février dernier, j’interrogeais la Ministre Céline Tellier, en charge de l’Environnement et du Bien-être animal, sur le suivi du dossier relatif à la Boucle du Hainaut. J’ai en effet été contactée à plusieurs reprises par des riverains et des élus locaux inquiets. Vous trouverez ici l’essentiel de cet échange. J’ai par ailleurs eu l’occasion de rencontrer des riverains notamment de la Ville de Chièvres. Nous avons pu discuter de leurs différentes préoccupations. La Ministre avait déjà fait état d’études à venir sur les effets des ondes électromagnétiques sur le vivant, lors d’une question parlementaire précédente que je lui avais soumise.

Il apparaît que le timing de remise de l’étude en question se situerait en automne. Or, le Gouvernement wallon doit se prononcer sur la demande de modifications du plan de secteur demandées par Elia pour le 4 avril prochain. Il y a là un problème de synchronisation. En effet, quel positionnement pourra prendre le Parlement si les études ne sont pas favorables au développement de cette ligne ? Le caractère colossal et inédit du projet, ou le principe de précaution, pourraient-ils, par exemple, être évoqués pour suspendre les délais de modification du plan de secteur ?

Vous trouverez, ci-dessous, l’essentiel de l’échange à ce sujet.

Si la réponse de la Ministre laisse entrevoir qu’il reste une marge de manoeuvre, je resterai évidemment attentive à ce sujet.

 

Réponse de la Ministre Tellier

« Je voudrais en préambule, préciser à nouveau que ce dossier mobilise des compétences multiples, à des niveaux de pouvoir multiples. C’est cela aussi qui fait la complexité et la particularité de ce dossier.

  • Au niveau fédéral, l’actuelle ministre de l’Énergie met en œuvre le plan national Énergie-Climat approuvé lors de la législature précédente. Au niveau régional, le Gouvernement wallon met en œuvre la Déclaration de politique régionale qui précise qu’il y a lieu pour ce projet de limiter au maximum l’impact négatif sur les paysages et sur l’environnement, notamment, au niveau des champs électromagnétiques.
  • Quant à mon collègue, le ministre Borsus, il a été saisi d’un dossier de demande de modification du plan de secteur dont il gère exclusivement la procédure. Je vous invite donc à l’interroger sur ses intentions en la matière, comme vous le faites déjà, qui relève donc de sa compétence.

Ma visite sur le terrain ce vendredi 29 janvier visait la rencontre des citoyens, des agriculteurs et des élus locaux potentiellement impactés par ce projet de lignes à haute tension. Plus spécifiquement sur les enjeux qui ressortent de ma compétence. Il s’agit d’un projet qui dépasse évidemment les frontières communales et traverse plusieurs bassins de vie. C’est pourquoi j’ai, tout d’abord, souhaité avoir un contact avec l’ensemble des bourgmestres et des échevins concernés des quatorze communes impactées. J’ai ensuite pu rencontrer les citoyens et les associations à quatre endroits différents situés le long du tracé potentiel du projet. Toutefois, j’ai fait part de mon souhait de revenir sur le terrain lorsque je disposerai des résultats des actions que je mets en œuvre et que la situation épidémiologique sera apaisée.

Les témoignages des riverains, des associations et des agriculteurs concernés – c’est là l’essentiel – m’ont beaucoup interpellée. J’ai bien pris note de leurs réflexions et de leurs inquiétudes. Je les ai d’ailleurs relayées de manière très claire aux représentants d’Elia que j’ai rencontrés pas plus tard que la semaine dernière. Ma priorité est d’utiliser mes compétences pour protéger la santé de la population et de comprendre et limiter les impacts des champs électromagnétiques sur les citoyens, les animaux et le vivant en général.

“Deux initiatives à ce stade”

  • D’une part, la fixation de valeurs seuils, à l’instar de ce que la Flandre a développé ou de la recommandation du Conseil supérieur de la santé. Ce afin d’éviter tout risque pour la santé, en particulier chez les enfants. Ces valeurs limites ont pour but de protéger le public contre les risques éventuels d’une exposition prolongée. Il est important de ne pas confondre norme et valeur guide. La norme constitue la règle à respecter ou encore le critère auquel se réfère tout jugement. La valeur guide est une valeur d’exposition, mesurable, qui correspond au niveau de qualité d’un milieu qui devrait être atteint et maintenu dans la mesure du possible. Ce niveau de qualité correspond à un niveau d’exposition qui n’entraîne aucun effet pour la santé. Pour qu’une valeur guide puisse devenir une norme. Il faut d’abord s’assurer d’un impact significatif des champs électromagnétiques sur l’environnement et la santé.
  • D’où ma seconde initiative de faire étudier par des universités, indépendantes, l’impact des champs électromagnétiques des lignes à haute tension sur les humains et les êtres vivants en général. Avec des résultats attendus pour l’automne de cette année. Notez que cette étude comprendra un benchmark de ce qui se fait en matière normative dans d’autres pays.

 

Mon idéal est donc bien d’arriver dans un premier temps à un résultat a priori similaire à ce qui se fait en Flandre. Similaire ne veut pas dire nécessairement identique sur les valeurs. J’attendrai les résultats de l’étude et les propositions de mon administration pour prendre une décision définitive sur les valeurs précises. Il s’agit de dispositions qui s’appliqueront à tous les projets de même type en Wallonie. Mon objectif est donc de disposer d’un travail abouti, réfléchi et de qualité. Je rappelle, une fois encore, qu’à ce stade la procédure entamée ne concerne qu’une révision du plan de secteur, pas encore une demande de permis. Nous pourrions d’ailleurs prendre le temps de lister ensemble le nombre de projets sur le territoire wallon ou une révision du plan de secteur a été entamée, voire finalisée, sans qu’aucun projet concret n’ait vu le jour. Ces projets sont légion. Ici, rien que la procédure de révision du plan de secteur, si elle avance, et c’est le ministre Borsus qui en décidera, devrait prendre au minimum trois ans. Il me semble donc que le timing est adéquat. Il appartiendra au promoteur du projet de s’assurer que celui-ci s’inscrive dans les règles environnementales en vigueur au moment du dépôt de la demande de permis.

Absence de normes

On peut évidemment regretter I’absence de normes wallonnes à l’heure actuelle, citer d’autres pays où la situation est meilleure, ou bien se demander pourquoi des mesures n’ont pas été prises par mes prédécesseurs. Mon approche dépasse ces questionnements et vise surtout à agir et atteindre des résultats, pour que la situation que l’on connaît aujourd’hui ne se reproduise pas à chaque projet de ce type. Mes deux initiatives devraient donc permettre à la fois d’objectiver les risques, de mieux protéger la population des champs électromagnétiques, de challenger Elia sur chacun des choix opérés, ou sur d’éventuelles mesures d’éloignement, d’évitement ou encore de compensation si le projet devait voir le jour et, le cas échéant, d’avancer sur un nouveau cadre normatif pour l’ensemble du territoire wallon.”

Boucle du Hainaut: est-ce que les dés sont jetés?

Fatima Ahallouch : La grande crainte des citoyens est que les dés soient déjà jetés. À vous entendre, il y a encore plusieurs étapes avant qu’Elia puisse concrétiser ce projet. Ce qui les inquiète concrètement est de se demander à quoi vont correspondre ces valeurs seuils, ces valeurs guides. Qui va s’occuper de ces mesures concrètement ? Comment ? Quand ? Quel est le recours des citoyens ? Par exemple, si mes informations sont correctes, concernant les antennes GSM, il y a également des normes. Et en réalité, qui mesure que ces normes soient bien respectées ? J’aimerais aussi vous dire que je suis ravie d’entendre la préoccupation, toutes tendances confondues, pour les effets des ondes électromagnétiques. Il y a environ un an, quand on parlait des électro-hypersensibles, cela prêtait à sourire. Je porte le projet au niveau du Sénat, et on enchaîne les auditions d’experts à ce niveau. Je vous invite tous, au travers de vos groupes politiques, à vous saisir également de cette occasion.