J’ai pris la parole au Sénat en ce jour pour défendre la position du groupe socialiste quant à la proposition de résolution visant à condamner la pratique continue du prélèvement forcé d’organes en République populaire de Chine sur des prisonniers d’opinion, en particulier sur des pratiquants du Falun Gong et des Ouïghours. Une proposition de résolution que nous soutenons bien évidemment.

Contexte

Au cours de ces trente dernières années, la transplantation d’organes est un des domaines de la médecine qui a connu un développement significatif. Des vies ont été sauvées et bon nombre de patients transplantés ont aujourd’hui une qualité d’existence appréciable. Notre pays a notamment agréé l’institution supranationale d’allocation d’organes « Eurotransplant ». Il existe au sein de cet organisme une libre circulation des organes entre les pays qui font partie d’Eurotransplant en fonction bien entendu de certains critères tels l’histocompatibilité ou encore le degré d’urgence.

En revanche, en apprenant en 2006 que le Centre d’assistance du réseau chinois de transplantations (CITNAC) était pour sa part actif sur internet, dans le but d’assurer une disponibilité immédiate d’organes, la société belge de transplantations (SBT) notait alors que « des prélèvements d’organes pourraient être effectués sur des personnes condamnées à mort en République populaire de Chine ». En déposant une proposition de loi en 2007, Philippe Mahoux, au nom de mon Groupe, partageait alors la position du président de la SBT et chef de clinique au service de chirurgie digestive de l’hôpital Erasme à Bruxelles :

« Ces pratiques sont éthiquement inacceptables, on ne peut promouvoir le don d’organes qu’en le concevant comme un acte de solidarité désintéressé, dans un cadre éthique et moral des plus stricts ».

À cet égard, la loi du 13 juin 1986 est explicite car les cessions d’organes et de tissus ne peuvent être consenties dans un but lucratif. En outre, tout citoyen est considéré comme donneur potentiel mais demeure évidemment libre, ainsi que ses proches, de refuser le prélèvement d’organes. A l’époque, déjà, nous ne pouvions déjà tolérer que, dans certains pays, des organes puissent être prélevés chez des personnes non consentantes ou soumises à des pressions morales, financières, politiques ou philosophiques pour être commercialisés en vue de transplantations.

La proposition de loi précitée s’appuyait sur deux principes fondamentaux de la loi de 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d’organes :

  1. les cessions d’organes, tissus ou cellules ne peuvent être consenties dans un but lucratif ;
  2. le consentement à un prélèvement d’organes, de tissus ou de cellules sur une personne vivante doit être donné librement et sciemment. Il peut être révoqué à tout moment.

Évidemment donc, ces principes ne sont pas respectés lorsque le donneur potentiel est un condamné à mort.

Selon certaines informations de l’époque, le CITNAC recommandait même aux patients étrangers, pour leur transplantation, les mois de décembre et janvier, qui enregistraient des « pics de dons d’organes ». Force était de constater que ces mois correspondaient à une période traditionnelle des exécutions massives en Chine. La Société britannique de transplantation (BTS) avait, pour sa part,  déjà dénoncé la commercialisation des organes de prisonniers chinois exécutés.

Elle notait à cet égard que la rapidité avec laquelle les organes compatibles étaient parfois détectés permettait de conclure que des prisonniers pouvaient être exécutés, sur commande, pour satisfaire un marché commercial.

Qu’en est-il aujourd’hui?

En 2007, la Chine rendait illégal le trafic d’organes, et en 2015, elle mettait officiellement fin aux prélèvements d’organes sur des prisonniers exécutés sans leur accord préalable. Grâce à cette réforme, des avancées positives ont eu lieu et, aujourd’hui, le système de transplantation est officiellement basé sur des dons d’organes. Toutefois, des interrogations subsistent quant à la réalité des chiffres de transplantation annoncés par le régime chinois.

Les développements de la résolution le précisent clairement :

les chiffres officiels disponibles ne reflèteraient donc pas la réalité de la poursuite de prélèvements d’organes à grande échelle à partir de donneurs non-consentants.

Les auteurs de la proposition de résolution s’inquiètent particulièrement du sort des prisonniers de conscience, en ce compris les pratiquants du Falun Gong et les Ouïghours, qui seraient des groupes spécifiquement ciblés aux fins de prélèvement d’organes.

Ainsi, en 2019, le régime chinois aurait condamné au moins 774 personnes pour avoir pratiqué leur foi dans le Falun Gong, une pratique spirituelle violemment persécutée par le régime communiste pendant plus de 20 ans. Entre propagande constante et prélèvements d’organes forcés des pratiquants, la Chine se place bien bas dans l’échelle du respect des droits humains et fait l’objet d’une pression internationale croissante pour faire arrêter la persécution de cette minorité parmi d’autres.

En effet, les réactions sont nombreuses :

  • L’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont la Chine est membre, a adopté en 2010 une série de principes directeurs sur la transplantation de cellules, de tissus et organes humains afin de clarifier les normes internationales relatives à la transplantation d’organes ;
  • L’Union européenne (UE) a soulevé la problématique à plusieurs reprises, et exprime ses préoccupations sur la question aux autorités chinoises dans les différentes enceintes concernées ;
  • Le Parlement européen a d’ailleurs adopté une résolution sur le prélèvement d’organes en Chine, dans laquelle il relayait son inquiétude vis-à-vis des rapports crédibles et incessants de prélèvements d’organes non consentis, systématiques et cautionnés par l’État ;

Dans son rapport annuel sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde 2018, adopté par le Conseil de l’Union européenne le 13 mai 2019, l’Union européenne a reconnu les violations des droits de l’homme et les abus contre les personnes appartenant à des minorités, y compris les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, n’ont pas cessé en 2018. Ce rapport démontre que les actes que nous ne pouvons admettre sont bien réels et toujours pratiqués.

Je l’ai précisé dès le début de mon intervention : nous voterons cette proposition de résolution, elle répond à des principes, des textes fondamentaux que nous approuvons.