On ne peut douter du professionnalisme des acteurs des secteurs culturel et événementiel.  Leurs propositions en vue d’un déconfinement progressif sont claires et argumentées. Le dernier Codeco ne les a pourtant pas entendues. J’interrogeais récemment la Ministre Linard à ce sujet.

Rétroacte. Le 18 avril, ces secteurs ont présenté aux autorités un plan progressif de déconfinement. Ce plan était très argumenté. Il tenait compte de l’évolution de la situation sanitaire du pays, et de l’avancement du programme de vaccination. Parmi les propositions : des événements rassemblant 200 personnes à l’extérieur et 100 personnes à l’intérieur, à partir du 8 mai. Quatre autres phases sont exposées, augmentant chacune progressivement les jauges jusqu’au 1er septembre. A cette date, le secteur espère une levée complète des mesures. Dans le but évidemment d’assurer la rentabilité des événements organisés.

Plan culture: un acte manqué

Les auteurs de ce plan ont précisé que “les paramètres appliqués sont basés sur des données fournies par les virologues et le commissaire du gouvernement fédéral en charge de la gestion de la crise du coronavirus”. Ce plan, qui se veut progressif, repose sur la volonté d’allier les impératifs sanitaires et les conditions d’une relance durable des activités. Malheureusement, le Codeco tant attendu du 23 avril dernier a refusé la mise en œuvre de ce plan. Un véritable acte manqué. Préférant s’en tenir aux mesures précédemment décidées, à savoir une autorisation des événements en extérieur rassemblant 50 personnes au plus.

Les enjeux sont immenses, tant sur les plans humain, social et économique, que culturel. En Belgique, la culture représente quelque 250 000 emplois. Elle représente un pan entier de notre économie. Le secteur se sent injustement traité par rapport aux autres, car il a démontré, notamment grâce à des études scientifiques, que les risques de contamination dans les lieux culturels sont dix fois inférieurs aux risques rencontrés dans un supermarché.

Un Codeco plus que décevant

Aujourd’hui, on peut visiter des centres commerciaux. Les transports en commun sont à nouveau bondés à certaines heures. La culture, elle, attend son heure, portes closes. C’est incompréhensible à plus d’un titre. Il est, à mon sens, essentiel d’avancer vers une reprise, et surtout de mettre en place un dialogue avec le monde culturel. Ce dernier se sent complètement oublié dans le processus de déconfinement. Artistes, organisateurs, acteurs de la culture ont besoin de réponses, et d’autre chose que des “peut-être”. Le dernier Codeco est décevant, et c’est peu dire.

La Ministre Linard nous confirme la déception par rapport au Codeco du 23 avril. Une véritable occasion manquée en effet, “de donner enfin des réponses à un secteur qui attend la reprise depuis trop longtemps. Les festivals doivent s’organiser et imaginer le cas échéant des événements alternatifs à une autre échelle. Le rendez-vous a été manqué avec les travailleurs du monde culturel, mais aussi avec le public.” Elle exprime toutefois des avancées prudentes, comme la possibilité d’une reprise des événements extérieurs à 50, mi-mai, tout en comprenant le désarroi du secteur, pourtant largement préparé à cette reprise.

Still Standing for Culture : pas de pénalités

Et de poursuivre :“Je suis convaincue que les opérateurs culturels ont la capacité d’organiser des événements publics, en intérieur et en extérieur, de manière tout à fait sécurisée, responsable et respectueuse des contraintes sanitaires. C’est ce que propose le secteur culturel dans le mouvement «Still standing for Culture». Ce mouvement organise des manifestations et une mobilisation qui se conçoivent comme des actes artistiques et politiques de la part du secteur culturel. Il veut faire entendre sa voix et exprime son désaccord avec la manière dont est gérée cette crise. Ce week-end, ces actions ont été interrompues par la police à certains endroits du territoire. S’il est du rôle du bourgmestre de faire respecter la loi, les citoyens ont le droit de manifester leur désaccord. C’est pourquoi je ne pénaliserai pas financièrement les opérateurs culturels subventionnés qui ont manifesté.”

La culture, plus que tout autre secteur, a les compétences et une créativité suffisante pour offrir une belle reprise, en toute sécurité, à son public. Plus que jamais, nous avons tous besoin de vivre l’émotion d’un film, d’une pièce de théâtre, d’un concert. Je resterai vigilante et continuerai de défendre ce secteur.

Fatima Ahallouch