J’interrogeais récemment la ministre Bénédicte Linard, en charge de la Culture, au sujet de la possibilité de mettre nos artistes à profit et à l’honneur dans la phase “post-covid”. Le  monde auquel nous aspirons doit tenir compte des arts et de la culture, et les intégrer à l’espace public.

Petit rappel historique. Lorsqu’il devient président des États-Unis en mars 1933, Franklin Roosevelt hérite d’un pays à l’agonie: suite au Krach boursier de 1929, l’économie américaine s’est effondrée et le taux de chômage flirte avec les 30%. Roosevelt met alors sur pied un programme économique et social de grande ampleur: le New Deal, auquel il intègre la culture et les arts. L’idée est donc simple: engager des artistes sans travail pour réaliser des commandes publiques. D’autres programmes suivront, comme le Treasury Relief Art Project (TRAP), consistant à financer l’achat d’œuvres pour des édifices fédéraux ou encore The Section of Fine Arts qui, sous la forme d’un concours, permet à des artistes de réaliser des fresques ou des sculptures dans certains bâtiments publics. Les artistes s’inscrivent ainsi dans un vaste mouvement d’éducation populaire, tout en redonnant un nouveau souffle à l’union nationale. Ils assurent la revitalisation de la démocratie et la reconnaissance sociale de certaines minorités.

Face à la crise actuelle, le plan pour la culture de Roosevelt devrait être une source d’inspiration pour nous. L’on peut imaginer un plan de commandes dans les divers secteurs artistiques, notamment pour soutenir les idées démocratiques que nous défendons.

La ministre m’a confirmé la nécessité de revaloriser une série d’artistes et d’acteurs culturels, et le lancement d’un plan de redéploiement à la fin de l’été. “Les artistes plasticiens sont identifiés comme, historiquement, faisant l’objet d’un moindre soutien de la part de la Fédération Wallonie Bruxelles, au même titre qu’une autre série d’acteurs culturels. Une attention particulière leur sera donc accordée dans le cadre du plan de redéploiement pour la culture. Celui-ci sera lancé dès la fin de l’été. Il comprendra, d’une part, un volet destiné à allouer des bourses de recherches (en création, médiation, développement numérique) pour des projets artistiques, d’autre part, il permettra à des artistes de créer un partenariat dans le cadre d’une résidence d’artiste.”

“Avant d’envisager un plan de commande artistique, je veux m’assurer que ces créations puissent être réalisées dans de bonnes conditions, rétribuées par un salaire juste, pour leur finalité mais aussi pour leur recherche et développement, et surtout, que leur médiation vers les publics soit également pensée afin que l’œuvre parvienne à son objectif final : la rencontre avec celui qui la découvre, et l’appréhension des émotions et des réflexions qu’elle va susciter.”

Ces appels à projets viendront compléter les dispositifs déjà existant, liés aux arts plastiques de manière générale (en ce compris ce qui touche au numérique, au design, à la photo, à l’architecture, au textile, etc.).

Etendre l’achat d’oeuvres d’art

Bénédicte Linard: “Le budget annuel actuel alloué à l’acquisition des œuvres d’art de la FWB est de 39.000 euros. Le MAC’s (Musée des arts contemporains du Grand-Hornu) possède néanmoins sa propre commission d’achat financée par la Fédération Wallonie Bruxelles, à hauteur de 153.000 euros annuels, et dont la moitié doit être consacrée à l’acquisition d’œuvres de plasticiens de la FWB. Mon cabinet est en train d’analyser la possibilité d’envisager un achat plus massif d’œuvres d’artistes plasticiens, afin de pourvoir à la relance du secteur. C’est une piste que nous étudions sérieusement, mais pour laquelle il est prématuré de s’avancer à l’heure actuelle, vu le contexte budgétaire compliqué auquel nous devrons faire face.”

Et la Ministre de conclure: “j’ose espérer que nos efforts combinés en matière de bourse, de résidence et d’acquisition permettront d’apporter un souffle nouveau, sans oublier la vigilance que je maintiens à l’égard de la mise en œuvre du statut d’artiste, qui permettra d’assurer cette reconnaissance sociale à laquelle vous faites référence dans votre question.”

Plus que jamais, l’art et la culture souffrent et luttent pour leur survie et leur visibilité. Nous devons saisir l’opportunité de changer la donne, pour faire de ces secteurs de véritables acteurs de notre société, et pour que l’art reprennent une place majeure dans nos villes, dans nos vies.