Le débat sur les statues de Léopold II à Bruxelles et ailleurs se poursuit. Il se doit d’être étendu à tous les thèmes liés au passé colonial de la Belgique. Une contextualisation réfléchie de ces événements, de leurs conséquences – et des traces encore visibles dans l’espace public – doit se transcrire tant à l’école qu’au niveau des organismes d’éducation permanente.

Selon Mme Mireille-Tsheusi Robert, Présidente de Bamko ASBL (Comité féminin de veille antiraciste), les associations demandent ce débat depuis des années. Il est essentiel aujourd’hui de replacer les événements et les personnes dans le contexte de leur époque. Sans se baser sur des faits suposés, erronés, ou partiels. La haine ne peut guider cette démarche. Puisse aussi cette recontextualisation objective servir aux enseignants, pour que la colonisation soit davantage et mieux enseignée.
En tant que députés, la presse nous interpelle régulièrement sur ces questions. Nous devons pouvoir délivrer un message clair. L’espace public a été aménagé à un moment où régnait un esprit colonial. Comment se matérialise dans la ville cette rupture idéologique aujourd’hui ? L’espace public doit certes être le reflet d’une histoire, mais ceci doit s’accompagner d’un large consensus au sein de la population. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

J’interrogeais donc la ministre Bénédicte Linard à ce sujet voici quelques semaines. Outre l’initiative parlementaire et le cours sur le colonialisme, quelles sont les pistes de solutions, à la fois pour la statuaire, la décolonisation de l’espace public, l’enseignement de la colonisation et la lutte contre les discriminations ? Le réseau de l’éducation permanente pourrait y jouer un rôle?

Voici un aperçu des réponses obtenues

“L’indépendance du Congo est un moment crucial de notre histoire, qui s’inscrit dans le cadre plus large des indépendances africaines, puisque 17 pays ont pris leur indépendance en 1960. Mais évidemment, l’indépendance du Congo est marquée d’un sceau particulier pour la Belgique”, indique la Ministre. “La question de la décolonisation traverse le secteur culturel. Cette problématique, dans son articulation entre culture et école, est très concrètement abordée sur le site « laplateforme.be », qui propose la trilogie documentaire «Kongo» accompagné de son dossier pédagogique, et deux cycles thématiques abordant la question du Congo durant la période coloniale. Il convient également de citer le récent dossier réalisé par Zin TV, un outil qui déconstruit la propagande coloniale belge et donne des clés de compréhension permettant le développement de l’esprit critique. En outre, il existe le dispositif « Ecran large sur tableau noir », dont la programmation démontre un intérêt pédagogique. Du côté des Arts de la scène, la pièce de théâtre Colonialoscopie de la Compagnie « Ah mon amour » porte le message de manière caustique à destination des adultes et des adolescents. En outre, énormément d’artistes afrodescendant-es contribuent au décloisonnement de notre culture.

“(…) Le secteur muséal est évidemment aussi concerné par cette question, la complétant de celle relative à la restitution des objets. Il convient toutefois de signaler que la principale collection publique d’objets congolais est gérée par le pouvoir Fédéral et ne se trouve ni à Bruxelles, ni en Wallonie. Le Gouvernement sortant a confié à l’Académie royale une mission de synthèse et de propositions relative à la gestion des collections africaines présentes en Fédération Wallonie-Bruxelles. Un premier rapport sera remis à la fin de cette année. Enfin, étant également Ministre des Médias, je tiens à rappeler ici les contributions importantes relayées par la RTBF, notamment lors du 60e anniversaire de l’indépendance de la RDC, qui ont pu traiter de la question de la décolonisation. Je ne doute que ce thème sera régulièrement abordé par notre chaine publique à l’avenir. Je serai attentive à toute demande de soutien qui me parviendrait. Et il me semble qu’il est nécessaire d’inciter nos lieux culturels à être plus audacieux dans leur programmation : elle doit refléter, toujours mieux, la multitude de notre communauté.”

Quid de l’espace public?

Au-delà des secteurs précités, on retrouve évidemment la problématique dans l’espace public – statues, noms de rue – “de même que dans les traditions reconnues comme patrimoine oral et immatériel.Il me semble essentiel d’associer tous les acteurs de la vie associative et citoyenne à ce projet de grande ampleur. Réussir cette étape de notre Histoire est une nécessité, par honnêteté intellectuelle, et aussi et surtout pour parvenir à un meilleur vivre-ensemble, et une compréhension accrue du vécu de tous les Belges.