Raphaël Glucksmann, député européen et moi, avons eu l’occasion d’échanger avec les militants du Nord au sujet de questions européennes passionnantes. Le cœur du sujet était : l’Europe sera solidaire ou ne sera pas !

Les échanges se sont articulés sur les grandes orientations prises par l’Europe, le positionnement des sociaux-démocrates, le basculement sur lequel nous devons travailler.

Raphaël Glucksmann a pu illustrer de manière très pragmatique les conquêtes des sociaux-démocrates au parlement européen, évoquer les points de rupture, et donner des pistes à mettre en place pour la campagne des élections européennes.

J’ai pu abonder dans son sens, concernant les décisions inédites prises par une Europe, jusque-là frileuse à la solidarité et clairement marquée par des idées néo libérales, expliciter l’Europe et ses défis sur le terrain.

Nos zones transfrontalières sont des mini Europe. Il était également intéressant de pouvoir mettre en avant le bilan des sociaux-démocrates en Europe, et pour ma part en Belgique, où on arrive en campagne avec un bilan à défendre.

Le temps est venu de faire basculer l’Europe dans le camp du progrès social, au regard de la capacité à surmonter les crises, en abandonnant les recettes néo libérales, l’espoir est de créer les conditions pour que l’Union européenne soit résolument à gauche pour améliorer la vie de ses citoyens.

S’il est difficile d’évoquer l’ensemble des échanges qui ont duré 2 heures, voici en quelques lignes, le cœur de ceux-ci.

L’événement se déroulait à Lomme, au cœur de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, bassin transfrontalier où la coopération entre la France et la Belgique est essentielle.

En introduction, j’ai d’ailleurs souligné l’importance de cette coopération transfrontalière pour les habitants de la région, qui traversent la frontière au quotidien pour travailler, étudier, visiter leur famille, ou simplement vivre leur vie.

La crise sanitaire a mis en lumière les défis auxquels nous sommes confrontés lorsque les frontières se ferment brusquement, affectant les travailleurs, les commerçants, les couples et les familles. Si au premier obstacle de taille, les frontières s’érigent en murs infranchissables, cela mine le projet européen. C’était une situation inédite mais qui pourrait en appeler d’autres selon les experts (attentat, crise sanitaire, …). Il faut s’y préparer.

J’ai également insisté sur la nécessité de mieux intégrer les citoyens dans le processus décisionnel européen, en mettant en place des mécanismes de participation citoyenne.

Il est crucial que les citoyens se sentent impliqués dans les décisions qui les concernent, afin de renforcer l’adhésion au projet européen. L’initiative citoyenne « Tax the rich » portée par Paul Magnette en est une illustration.

Enfin, j’ai évoqué le potentiel des régions frontalières comme la nôtre pour devenir des modèles d’intégration européenne, en mettant en avant nos expériences et nos défis spécifiques.

Il est temps de construire une Europe sociale qui reflète les réalités et les besoins des citoyens au quotidien. Car faute de réponses aux préoccupations quotidiennes des citoyens, le désaveu est inévitable.

L’Europe sera solidaire ou elle ne sera pas, nous en sommes convaincus.

J’ai fait remarquer que ces crises peuvent être une opportunité pour faire passer des idées progressistes qui semblaient impossibles il y a quelques années encore. Raphaël Glucksmann a acquiescé, donnant l’exemple du “devoir de vigilance” des multinationales, qu’il a porté au Parlement européen.

Raphaël Glucksmann a insisté sur la nécessité de gagner la “bataille culturelle”, en rendant nos propositions concrètes et réalistes pour les citoyens européens.

J’ai trouvé que Raphaël Glucksmann portait un discours passionnant et constructif sur l’avenir de l’Europe. Ses analyses sur les défis actuels sont pertinentes, et sa volonté de bâtir un projet politique progressiste crédible est enthousiasmante.

J’ai attiré l’attention sur des risques de l’abstentionnisme pour ces élections européennes en France.

En Belgique, le vote étant obligatoire et ces élections étant couplées avec les élections régionales et fédérales, les enjeux ne s’expriment pas dans les mêmes termes.

J’ai trouvé chez le député Glucksmann mais aussi chez les militants et les élus du Nord, une volonté très forte d’aller à la rencontre des citoyens pour les mobiliser.

Raphaël Glucksmann a répondu qu’effectivement, l’Europe changeait.

Selon lui, les crises ont mis en lumière que les recettes néo libérales avaient leurs limites.

Même le plus libéral des politiques, le plus libéral des fonctionnaires, n’a pu que constater qu’en crise sanitaire, nous n’avions plus d’unités de production de paracétamol. Et il faut continuer à faire persister cette prise de conscience.

Il a insisté sur plusieurs points :

  • Le pacte vert européen, porté par les sociaux-démocrates, marque une rupture avec les politiques néolibérales menées précédemment.
  • La pandémie a révélé nos dépendances industrielles vis-à-vis de la Chine.
  • La guerre en Ukraine nous a montré que nous étions incapables de produire des munitions ou d’assurer notre propre sécurité. Le constat est le même concernant un domaine aussi stratégique que la santé : les unités de production sont délocalisées, nous laissant complètement dépendant de l’extérieur. L’Union européenne doit s’assumer en tant qu’entité politique, et non plus uniquement comme une entité de consommation.

Le moment est venu de formuler un grand projet politique progressiste à l’échelle européenne. L’enjeu des élections de 2024 sera de savoir si ce sont les sociaux-démocrates ou les conservateurs qui prendront la tête des institutions européennes.

La vulgarisation des thématiques européennes était au cœur des échanges. L’exemple du café PMU qui paie bien plus d’impôts que la Starbucks du coin, a été très parlant.

Si la vulgarisation du projet européen est nécessaire, elle ne sera pas suffisante pour résoudre le problème de l’abstention aux élections européennes.

Il faut également que le projet européen soit incarné, c’est-à-dire que les gens aient l’impression que le projet européen est pour eux, qu’il répond à leurs besoins, qu’il leur apporte quelque chose.

Il a encore été question de la crise migratoire, de la désindustrialisation et de réindustrialisation souhaitée, du couple franco-allemand, du rôle de la France au sein de l’UE, du fonctionnement de l’UE et du vote à l’unanimité versus vote à la majorité, …

Enfin le dernier grand sujet dont il a été question, c’est le pacte vert, le green deal.

C’est aussi l’occasion de mettre en avant l’écosocialisme que nous travaillons à incarner au PS belge. Le débat climatique existe dans l’espace public depuis 50 ans et le basculement naturel des mentalités qui était attendu par certains n’a pas eu lieu.

Nous pensons que c’est parce que la question est mal posée et qu’il y a encore et toujours des questions de lutte contre les inégalités et des rapports de force qui empêchent ce changement.

La grande majorité des personnes auraient tout à gagner avec un environnement plus sain garanti par la puissance publique. Seule une petite minorité, d’oligarques climatiques, résistent et déploient beaucoup d’efforts pour empêcher ce changement.

Les questions environnementales et climatiques doivent être pensées en termes de luttes et de mobilisation de toutes les catégories sociales.

Ce n’est pas du green washing, mais une prise de conscience profonde et une analyse qui constate les freins à ce basculement. Le livre de Paul Magnette « La vie large », est un manifeste éco socialiste qui apporte à la fois des points de réflexions et des pistes d’actions. Je cite « Nous ne promettons pas le grand soir mais nous nous refusons à nous limiter à une longue succession de matins blêmes ; » (La vie large).

Parmi les pistes évoquées par nous deux, il y a évidemment la justice fiscale, il n’est pas acceptable que l’Union européenne soit un lieu où les multinationales viennent faire leur shopping fiscal, tirant profit des disparités entre les états.

Il n’est pas non plus acceptable que les mêmes multinationales et les grands groupes, fassent du shopping social, en tirant profit des différentes législations pour les travailleurs, pour réduire au minimum les droits des travailleurs et maximiser leurs profits pour engraisser leurs actionnaires.

Que les entreprises paient leurs impôts là où elles font du profit est une piste.

Il faut aussi harmoniser les droits sociaux pour que chaque citoyen européen, quel que soit le pays où il réside, puisse bénéficier des protections face au chômage, à la maladie, à la vieillesse.

Nous avons notamment débattu de l’indexation des salaires en Belgique. Elle permet aux travailleurs de mieux faire face à l’augmentation du coût de la vie.

Et il faut aller plus loin que la dénonciation de ces situations, il s’agit de les changer et/ou les empêcher, et cela ne pourra se faire que si les sociaux-démocrates sont à la manœuvre à la commission européenne.

Dans tous les cas, si la défense des valeurs de libertés individuelles, de démocratie, d’état de droit fait partie de notre ADN européen, elle doit s’appliquer aussi dans les faits pour tout un chacun.

Une rencontre passionnante, des échanges plus intéressants les uns que les autres. La campagne est bel est bien lancée. Merci aux camarades des Hauts de France pour l’invitation.