Jeunesse en détresse : une équation complexe
Que l’on soit prof, parent ou éducateur au sens large, à l’heure du Covid, on n’a pas pu manquer la détresse des jeunes générations. On le sait, l’âge tendre implique un besoin crucial de contacts avec ses pairs, camarades de classe et de jeux. L’adolescence est l’heure de toutes les découvertes, heureuses ou malheureuses, et celles-ci sont tributaires du temps passé à l’expérimentation. Aujourd’hui, la jeunesse est confinée. Les cours se font, en tout ou en partie, à distance. Le sport est interdit. Les rencontres sont limitées par l’état d’urgence, et l’on se doit de se préserver pour préserver les autres. Ne parlons pas des premières sorties, des premières fêtes, qui se doivent d’être repoussées à des temps meilleurs. D’aucuns ont fini ou finiront leur rhéto sans avoir eu « leur » soirée, d’autres auront leur diplôme sans avoir fait de stage… La liste des rendez-vous manqués est longue.
Alors évidemment, « ils ont la vie devant eux ». Pour les plus âgés d’entre nous, c’est du temps d’autant plus précieux que la vie leur vole. Certes. La jeunesse a le luxe de pouvoir repousser des échéances. Mais l’on sait néanmoins que la vie passe vite, et que l’adolescence est impatiente. Aujourd’hui elle est frustrée, empêchée, enfermée. Les cours en ligne sont épuisants, et les adultes en télétravail depuis près d’un an pourront le confirmer. Le décrochage est proche, ou a déjà eu lieu, pour bon nombre d’étudiants.
Jeunesse et inégalités
La crise sanitaire accentue, plus encore, les inégalités. Un jeune en situation de pauvreté, moins bien équipé, moins bien entouré, aura d’autant plus de difficultés à s’adapter à cette nouvelle situation. Lors du dernier conseil communal de Mouscron, notre groupe politique interrogeait la majorité à ce sujet très précis. Il est aujourd’hui essentiel d’accompagner nos jeunes. Un soutien psycho-social de terrain est plus que nécessaire. Les centres PMS et professionnels de la santé mentale jouent un rôle crucial. Nous savons que les associations, les maisons de jeunes font le maximum, mais que leurs possibilités sont limitées. La plupart des activités de groupes étant toujours interdites, les interactions sont complexes. Là encore, ceux qui en ont les moyens sont connectés. Les autres décrochent.
Complexe équation
Au niveau politique, l’équation est complexe. Nous comprenons la détresse de cette génération. Nous avons envie d’ouvrir les vannes, pour eux, pour les soutenir. Toutefois nous entendons également les avis des experts, qui nous disent qu’il est trop tôt. Chaque décision va décevoir, d’un côté ou d’un autre. Début février, j’interrogeais la ministre Caroline Désir : Erika Vlieghe, présidente du groupe d’experts en charge de l’Exit Strategy (GEES), venait de faire part de son inquiétude au sujet des contaminations au coronavirus dans les écoles. Plusieurs établissements avaient fermé leurs portes pour limiter la propagation du virus. L’occasion pour la ministre de faire un point précis sur la situation sanitaire en milieu scolaire. Nous retenons la conclusion de cette prise de parole (citation de Caroline Désir du 2 février):
« La situation sanitaire actuelle ne permet pas encore de revenir au code orange. Je souhaite évidemment sortir le plus rapidement du code rouge pour permettre aux élèves de l’enseignement secondaire de revenir à 100 % en présentiel. Pour normaliser au maximum l’organisation de la vie scolaire pour tout le monde. Rien ne peut remplacer l’enseignement en présentiel. Je suis également convaincue que certaines activités, comme les sorties culturelles ou la pratique sportive pour ceux qui en sont privés, manquent cruellement à nos élèves. Si les chiffres se stabilisent ou s’améliorent, j’ai l’intention de soumettre à nouveau la question d’un assouplissement aux experts sanitaires. Je préfère toutefois ne pas m’engager sur une date, car, très humblement, je dois reconnaître que je ne sais pas où en sera la pandémie dans une ou deux semaines. »
Une nécessaire humilité
« Humblement ». C’est le mot qui devrait résumer la gestion, au quotidien de cette crise. Experts, politiciens, professionnels de la santé et de l’éducation avancent pas à pas et reconnaissent, ou se doivent de le faire, avec humilité, que cette crise est extrêmement complexe.
Nous voulons, toutes et tous, faire mieux pour notre jeunesse et pour tout un chacun. Mais la réalité sanitaire nous rappelle en permanence à l’ordre. Les mesures peuvent paraître chaotiques, difficiles à comprendre, à accepter. Elles ne sont que l’humble résultat d’un compromis, qui évolue au jour le jour en fonction des nouvelles données.
Ce qui reste en toutes circonstances, c’est la solidarité. Tous et toutes, nous pouvons aider, d’un geste, d’un mot, d’une écoute. Nous pouvons et devons soutenir nos ados, nos enfants et les professionnels qui gravitent autour d’eux. A tous les nouveaux de pouvoir, nous devons mettre des moyens à disposition des acteurs concernés.
En attendant de pouvoir faire mieux.
Fatima Ahallouch